La fellation, pourquoi elle divise autant les femmes ?
bonjour à toutes et tous
Article publié sur www.elle.fr par Arthur OEuvrard
L’objet de la discorde ? La fellation. Qu’on l’approuve ou non, elle ne laisse pas les femmes indifférentes. Comment expliquer que cette pratique divise tant ? Elisa Brune, écrivaine, journaliste scientifique et auteure de « La Révolution du plaisir féminin : sexualité et orgasme » répond, sans tabous, à toutes nos questions.
ELLE.fr. Pourquoi la fellation provoque-t-elle autant de débats ?
Elisa Brune. La fellation a toujours divisé. Avant, la sexualité était centrée sur le plaisir de l’homme. D’où certaines difficultés aujourd’hui de la faire admettre dans la libido féminine tant elle a été cataloguée comme une exigence masculine.
ELLE.fr. Dans les différents commentaires que l’on a reçus suite à des témoignages, deux catégories de femmes se distinguent : celles qui n’y voient rien de mal et celles qui la rejettent. Comment l’expliquer ?
Elisa Brune. Ces réactions mettent en lumière de façon spectaculaire les conditionnements sociaux. Si certaines femmes se sont totalement détachées de la morale chrétienne et ne voient rien de malsain ou d’immoral dans cette pratique, d’autres en revanche y sont radicalement opposées. Ce rejet du corps peut avoir été transmis de façon implicite par des valeurs familiales bien ancrées.
ELLE.fr. Ce clivage est-il le signe d’un retour de la morale jusque dans la sphère intime ?
Elisa Brune. Oui, après avoir été évincée par les jeunes générations de 68, elle a tendance à revenir. Je pense en effet que nous sommes dans une phase de retour des conditionnements moraux, jusque dans nos lits.
ELLE.fr. Les films pornographiques ont-ils joué un rôle important dans la popularisation de la fellation ?
Elisa Brune. Oui, c’est certain. Car il y a cinquante ans, les femmes avaient beaucoup plus de tabous. Dans la génération de nos grands-parents, elles n’imaginaient même pas qu’il était possible de faire ça à leur mari. Les images pornographiques ont rendu la chose pensable, présente dans la culture sexuelle. Et la preuve : elle pose question et provoque des réactions. Mais la banalisation de la pornographie peut aussi devenir problématique dans la mesure où certaines femmes vont se sentir sous pression et le vivre comme une contrainte.
ELLE.fr. Beaucoup de femmes considèrent la fellation comme un acte de domination masculine. Peut-elle être vue comme un acte égalitaire ?
Elisa Brune. La fellation a souvent été considérée comme un acte machiste, en raison de la position passive de l’homme et active de la femme. Elle est même parfois jugée « humiliante », car effectuée à genoux ou en tout cas plus bas que l’homme. Il existe une mythologie de la soumission et de la domination masculine à propos de la fellation. Selon moi, il y a là un malentendu profond : car si on devait éliminer de la sexualité tout ce qui a une connotation de domination, il ne resterait plus rien. Il s’agit de pouvoir jouir et profiter des ces mises en scène, car les relations sexuelles sont bien évidemment des mises en scène. Quoi qu’il en soit, il est important de rappeler que la fellation doit être faite lorsque la femme en a envie, qu’elle le décide.
ELLE.fr. Certaines femmes accusent la fellation d’être une pratique peu hygiénique et ne l’envisagent pas avec un organe qui sert également à uriner. Pourquoi mettre en avant un tel argument ?
Elisa Brune. C’est une excuse. C’est absolument faux, il n’y a aucune contre-indication médicale. Généralement, la fellation se fait après une toilette, et l’urine n’a rien de sale même si vous en avalez une goutte. La raison sanitaire est totalement insensée.